🩐 De Maniere Courtoise En Ayant Les Bonnes Manieres

Lesbonnes maniĂšres sont des normes de bonne conduite dans la sociĂ©tĂ©. Avoir de bonnes maniĂšres de se comporter poliment et signifie de façon appropriĂ©e dans des situations sociales. Des exemples de bonnes maniĂšres comprennent disant: «Se il vous plaĂźt» et «merci». Enseigner les bonnes maniĂšres est en partie la responsabilitĂ© des SociĂ©tĂ© Le gouvernement lance un guide de bonnes maniĂšres pour les touristes.- Le ministĂšre de la Culture devrait prochainement distribuer aux touristes Ă©trangers un manuel de poche sur les 10 Forum > Destinations > Asie du Sud-Est > ThaĂŻlande > ThaĂŻlande: le gouvernement lance un guide de bonnes maniĂšres pour les Lacourtoisie est donc un expression de bonnes maniĂšres ou de reconnaissance des normes sociales considĂ©rĂ©es comme correctes ou adĂ©quates.. En plus de tout ce qui prĂ©cĂšde, nous devons souligner qu'il existe ce que l'on appelle des phrases de courtoisie. Parmi eux, on pourrait dire que ce sont des expressions qui sont utilisĂ©es assez Extraitde la prĂ©face de FrĂ©dĂ©ric Rouvillois : Dans l'histoire de la politesse française, la baronne Staffe (1843-1911) occupe sans conteste une place singuliĂšre, ayant Ă©tĂ© Ă  la fois un acteur de premier plan et un tĂ©moin privilĂ©giĂ© des grandes mutations de son temps. Pour prendre la mesure de ce que put ĂȘtre son rĂŽle, il faut tout d'abord replacer dans son bonnesmaniĂšres. Les comportements qui se dĂ©veloppent dans certains milieux sociaux n'ont pas besoin de rĂšgles, mais plutĂŽt de modes et de formes dans lesquels ils ne violent pas le respect et la dĂ©cence. Ce sont des comportements qui montrent avant tout un alliĂ© de la culture et de l'Ă©ducation. Ils gĂ©nĂšrent une situation dans laquelle Etdiffere leur civilitĂ© de la civilitĂ© de ceux qui entendent Ă  faire les citoiens bons en la maniere que une bonne chose differe d'une malvoise [ID., ib. 34] XVe s. Tant de ce les enhorta que il les attira Ă  icelle civilitĂ©, et que il s'assemblerent ensemble [, Bouciq. IV, ch. 10] Pour la subtilitĂ© et civilitĂ© [adresse] du dit Malet [DU CANGE, civilis.] XVIe s. Ceux qui Ala fin de cette prĂ©cieuse dĂ©finition, le message capitulaire affirme avec force ce qui retient le plus mon attention : " Entrer dans cette dynamique nous conduira Ă  des maniĂšres renouvelĂ©es de bĂątir la communautĂ© pour la mission " [1]. Telle est la source du thĂšme de mon partage en vue de cette AssemblĂ©e. 17bonnes maniĂšres qu’on n’aurait jamais dĂ» abandonner. Charlotte Hilton Andersen Mis Ă  jour: Oct. 12, 2021. Les bonnes maniĂšres Ă©voluent, mais ne se dĂ©modent jamais. Si vous ne vous pliez pas aux rĂšgles suivantes, vous avez peut-ĂȘtre besoin d’affiner vos maniĂšres. 1 / 17. Estcourtois et fait preuve de bonnes maniĂšres en classe. Collabore constamment avec l'enseignant et les autres Ă©lĂšves. Est gentil et serviable avec tout le monde dans la classe. AttentionnĂ©e, gentille et soucieuse de plaire. Doit Ă©couter les instructions. Doit travailler pour rester concentrĂ© et concentrĂ© sur la tĂąche. Vousdevriez lui rĂ©server des intentions diffĂ©rentes, lui montrer la diffĂ©rence de vos sentiments. Pour cela, montrez-vous plus prĂ©venant. Faites en sorte de la protĂ©ger dans la rue, ou faites attention Ă  ses sentiments. Rassurez et confortez cette personne lorsqu’elle est triste. Certainsniveaux sont difficiles, nous avons donc dĂ©cidĂ© de faire ce guide, qui peut vous aider avec CodyCross De maniĂšre courtoise, en usant les bonnes maniĂšres rĂ©ponses si vous ne pouvez pas le faire vous-mĂȘme. En utilisant notre site Web, vous pourrez rapidement rĂ©soudre et complĂ©ter le jeu CodyCross qui a Ă©tĂ© créé par le LareprĂ©sentation des noces de Cana dans le cloĂźtre d’Abondance est remarquable par le souci du dĂ©tail avec lequel le peintre a traitĂ© cet Ă©pisode biblique. Les costumes des convives et des serviteurs ainsi que la richesse du cadre architectural et de la table contribuent Ă  situer la scĂšne dans un contexte courtois. La confrontation de la peinture LamaniĂšre dont vous y rĂ©pondrez en dira long sur vos bonnes maniĂšres. Au 21 e siĂšcle, les bonnes maniĂšres ne sont plus ce qu’elles Ă©taient antan. Nous sommes d’accord. Mais l’ouvrage de Amy Alkon nous en apprend plus sur la façon de traiter les gens et prodigue d’excellents conseils que chacun d’entre nous devrait intĂ©grer. 5 Quel est le sujet de la conversation ? [Les deux locutrices parlent des bonnes maniĂšres qu’il faut adopter en fonction des diffĂ©rentes situations] Ecoute dĂ©taillĂ©e du document. Lisez les phrases ci-dessous. Réécoutez l’extrait, puis associez les dĂ©buts et les fins des phrases des deux collones : 1. L’acquisition du français Toutd’abord rendez-vous dans le menu en appuyant sur l’icĂŽne reprĂ©sentĂ©e par trois petits points verticaux. Appuyez sur l’option ParamĂštres . Ensuite descendre en bas de la page et appuyer sur ParamĂštres AvancĂ©s. Une fois les paramĂštres de confidentialitĂ©s dĂ©voilĂ©s, appuyez enfin sur Effacer les donnĂ©es de navigation. uIBISeJ. PinterestExploreWhen autocomplete results are available use up and down arrows to review and enter to select. Touch device users, explore by touch or with swipe Pins 8wCollection by EmilieCoaching QuestionsFrench Grammar21st Century LearningScrumMind MapIntrospectionBullet Journal InspirationLife OrganizationGratitudeLearning LanguagesForeign LanguagesTeaching CultureFrench Language LessonsTable MannersFrench ClassroomFrench PhrasesTeaching FrenchParis PhotosComment signaler que j'ai fini de manger ?French TeacherBasic French WordsLittle AppGood MannersFrench CafeLecturesFrench LanguageComment manger ses huitres correctement ?Learn French FastLearn To Speak FrenchFrench LessonsComment manger sa salade correctement ?French Language LearningFrench PracticeReading BoardsHigh School FrenchCore FrenchComment manger ses spaghettis correctement ?French ClassFrench WordsFrench Language BasicsGcse FrenchComment manger son pain correctement ?French QuotesComment manger correctement ?Link And LearnComment faire circuler les plats ?Quand est-ce que je commence Ă  manger ?French WorksheetsComment j'utilise ma servietteDresser TableEtiquetteLearnersA TablePreschoolKnowledgeBooksLes bonnes maniĂšres vues par My little app et KanakoFrench BasicsQui s'assoit en premier ?A quelle heure arriver ? On dirait que vous avez besoin d’aide avec le jeu CodyCross Oui, ce jeu est difficile et parfois trĂšs difficile, c’est pourquoi nous sommes lĂ  pour vous aider. C’est pourquoi ce site web est fait pour – pour vous aider avec CodyCross De maniĂšre courtoise, en usant les bonnes maniĂšres rĂ©ponses, ainsi que des informations supplĂ©mentaires comme des astuces, astuces utiles, astuces, etc. En utilisant notre site Web, vous pourrez rapidement rĂ©soudre et complĂ©ter le jeu CodyCross qui a Ă©tĂ© créé par le dĂ©veloppeur Fanatee Inc avec d’autres jeux. Si vos niveaux diffĂšrent de ceux ici ou vont dans un ordre alĂ©atoire, utilisez la recherche par indices ci-dessous. CodyCross Le puzzle du jour Moyen 31 octobre 2021POLIMENT Les vacances de NoĂ«l approchant, une partie des 80 millions de touristes Ă©trangers que reçoit la France chaque annĂ©e est en train de potasser ses guides. Entre les bonnes adresses et les numĂ©ros d’urgence, le rappel de l’étiquette. Il y a les classiques dites “bonjour” puis “au revoir”, ne mettez pas vos coudes sur la table, ne tutoyez que les enfants, etc. » mais on trouve aussi d’autres bonnes et mauvaises maniĂšres prĂȘtĂ©es aux Français. La suite aprĂšs la publicitĂ© Rue89 s’est intĂ©ressĂ© aux conseils donnĂ©s aux Britanniques et aux AmĂ©ricains pour briller en sociĂ©tĂ©, partout en France. 1On ne porte pas de short Les codes vestimentaires tendent Ă  disparaĂźtre partout dans le pays mais trĂšs peu de Français portent des sneakers, pantalons de jogging et tongs sauf Ă  la plage. Personne ne vous dira rien mais vous serez Ă©tiquetĂ© “touriste” ». Les Français sont connus pour leur style vestimentaire conservateur sandales habillĂ©es, chaussures fermĂ©es, jean’s sombres et beiges, chemises Ă©lĂ©gantes plutĂŽt que Tevas et pantalons baggys. Les Français portent rarement des shorts. » 2On n’est pas choquĂ©s par les enfants nus Ne soyez pas inquiĂ©tĂ©s par les enfants qui courent sans vĂȘtements sur la plage. Ça ne choque personne. » 3On drague en toutes circonstances Les Français semblent accorder relativement peu d’importance au harcĂšlement sexuel et beaucoup d’hommes pensent encore que mater avec une insistance une passante, c’est lui faire un compliment. » Lonely Planet US Le flirt est considĂ©rĂ© comme l’une des compĂ©tences les plus importantes que peut acquĂ©rir une Française. [...] L’idĂ©e rĂ©pandue que flirter est un moyen d’obtenir un rendez-vous ou un mari n’est pas tout Ă  fait juste, du moins pas en France. C’est plutĂŽt une forme de communication, quelque chose d’inoffensif qui ne doit pas ĂȘtre pris au sĂ©rieux. » Comment sĂ©duire un Français ? PremiĂšrement, ce n’est pas si difficile, les filles. HonnĂȘtement, vous allez probablement vous retrouver inondĂ©e de compliments et de sifflets dans la rue, de mecs qui vont vous aborder dans les parcs, les bars et le mĂ©tro et, de façon gĂ©nĂ©rale, de beaucoup d’attention de leur part. » Ne soyez pas prude. Ça ne signifie pas qu’il faut vous transformer en salope pendant votre sĂ©jour mais qu’il faut avoir l’esprit ouvert sur les questions de sexualitĂ©. » 4On est en retard Ă  table et on sauce notre assiette Du pain est servi Ă  chaque repas, il est tout Ă  fait poli d’utiliser un morceau pour saucer votre assiette. » Il est poli de manger tout ce qu’il y a dans votre assiette si vous y arrivez et, Ă  moins qu’il ne s’agisse d’un dĂźner officiel, il est courant de nettoyer son plat avec un morceau de pain. Ça doit toutefois ĂȘtre fait Ă  l’aide d’une fourchette. » N’attendez pas des gens avec qui vous avez rendez-vous qu’ils soient Ă  l’heure. La ponctualitĂ© est traitĂ©e avec dĂ©sinvolture en France. » 5On ne parle ni d’immigration, ni de religion, ni d’argent A moins de suivre de prĂšs l’actualitĂ© française, il vaut mieux Ă©viter de discuter de questions de politique intĂ©rieure française, particuliĂšrement des sujets sensibles comme l’immigration [...]. C’est gĂ©nĂ©ralement mal vu de poser des questions sur les points de vue personnels et religieux des autres. Vous devez aussi Ă©viter de vous prĂ©senter au travers de ce que vous possĂ©dez maison, voiture, etc.. Ne dites pas non plus combien vous gagnez si la question ne vous a Ă©tĂ© clairement posĂ©e, ce serait considĂ©rĂ© comme obscĂšne. » 6On ne s’exclame pas Oh my god ! » Les Français se moquent souvent des anglophones pour faire des rĂ©fĂ©rences sexuelles involontairement. Voici quelques expressions couramment utilisĂ©es que vous devez connaĂźtre. “Je suis excitĂ©e” peut sembler vouloir dire qu’on a apprĂ©ciĂ© un film ou un musĂ©e mais ça veut plutĂŽt dire qu’on est excitĂ© sexuellement. “Je suis pleine” pourrait vouloir dire qu’on a le ventre plein mais pour une fille, ça veut dire qu’elle est satisfaite sexuellement ou enceinte. “Oh my God !” cette expression est inoffensive en anglais mais en français, “gode” veut dire “vibromasseur”. » 7On ne sourit pas Aux Etats-Unis, sourire est un signe de politesse. Les Français ne considĂšrent pas que pour ĂȘtre poli, il faut sourire. Ils sourient uniquement quand ils ont vraiment envie de le faire, pas quand c’est attendu [...]. Pour les Français, certaines convenances sociales peuvent ĂȘtre perçues comme hypocrites. » 8Quand ça sent mauvais, on fait comme si de rien n’était Ma premiĂšre impression de la France n’a pas Ă©tĂ© la meilleure. ArrivĂ©s Ă  Charles-de-Gaulle, on a sautĂ© dans la navette pour aller en ville. Et cette odeur m’a assommĂ©. Cette odeur corporelle [“body odor” en anglais, ndlr]. Whoa ! » Certaines personnes trouvent les odeurs corporelles plutĂŽt sexy. Cette diffĂ©rence culturelle est relativement ancienne. Henri IV, roi de France 1589-1610 a Ă©crit Ă  sa maĂźtresse “Madame, je serai chez vous dans huit jours, ne vous lavez plus.” Aujourd’hui, il est assez improbable de rencontrer un Français qui sent mauvais. Si ça vous arrive, ne vous fixez pas lĂ -dessus, et comme toujours, ne le prenez pas personnellement. » 9On insulte les conducteurs Vous pouvez insulter les autres automobilistes ça fait partie du jeu. » 10On fait les intellos Offrez des cadeaux qui montrent que vous ĂȘtes un intellectuel, des livres ou de la musique. » ? Aidez-nous Ă  complĂ©ter ce guide des bonnes maniĂšres françaises Ă  l’usage des Ă©trangers -et de clichĂ©s sur la France. Nous publierons les meilleures contributions ! RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ© La nouvelle de la marquise de Monferrat et du roi de France DĂ©camĂ©ron, I, 5 passe gĂ©nĂ©ralement pour une nouvelle qui illustre la force des delle belle e pronte risposte » Ă  travers le personnage de la marquise de Montferrat. Une autre lecture met l’accent sur le roi Philippe Auguste et montre comment, chez un grand roi, de bonnes maniĂšres accompagnent, sans la racheter, une mauvaise conduite Ă  l’égard des lois de l’hospitalitĂ©, de l’éthique, du code de l’amour courtois et de la sagesse de page EntrĂ©es d’index Index chronologique XIVeHaut de page Texte intĂ©gral À la mĂ©moire de Mario Baratto L’histoire de la marquise de Monferrat et du roi de France 1 Tutte le opere di Giovanni Boccaccio, a cura di Vittore Branca, vol. IV, Decameron, a cura di Vitto ... 2 Dans l’édition citĂ©e ci-dessus, nouvelle trĂšs brĂšve une page et demi I, 9 ; nouvelles brĂšves ... 1Dans la IĂšrejournĂ©e du DĂ©camĂ©ron, la nouvelle 5 relate l’histoire de la marquise de Montferrat et du roi de France1. RacontĂ©e par Fiammetta, la nouvelle est brĂšve, comme le sont presque toutes les nouvelles de la IĂšrejournĂ©e2. L’histoire se situe au temps de la TroisiĂšme Croisade 1189-1192. Elle constitue un Ă©pisode en marge des opĂ©rations proprement militaires. Mais le rĂ©cit est fortement enracinĂ© dans ce contexte historique – Ă  la fois politique et militaire – et suppose qu’on l’ait bien en tĂȘte. En 1187, Saladin reprit JĂ©rusalem aux chrĂ©tiens, portant un coup trĂšs rude aux royaumes latins de Palestine. Guillaume, archevĂȘque de Tyr, prĂȘcha la croisade. À l’appel du pape GrĂ©goire VIII, l’empereur FrĂ©dĂ©ric Barberousse, le roi de France Philippe Auguste et le roi d’Angleterre Richard CƓur de Lion rassemblĂšrent des armĂ©es importantes pour passer en Terre Sainte. Dans ce contexte, Philippe Auguste est donc l’un des trois plus grands souverains d’Europe. 2L’histoire est Ă  deux personnages. Dans une premiĂšre sĂ©quence, le roi de France Philippe Auguste se prĂ©pare Ă  partir pour la TroisiĂšme Croisade. À sa cour, il entend vanter la vaillance et les mĂ©rites du marquis de Montferrat, le chevalier le plus accompli de son temps. Il entend aussi vanter l’extraordinaire beautĂ© de la marquise, la dame la plus noble, la plus sage et surtout la plus belle du temps. Le roi est aussitĂŽt enflammĂ© d’un ardent dĂ©sir. Il dĂ©cide de le satisfaire en s’arrĂȘtant sur les terres de la marquise avant de s’embarquer Ă  GĂȘnes, profitant de l’absence du marquis, dĂ©jĂ  passĂ© en Terre Sainte. 3Dans une deuxiĂšme sĂ©quence, Philippe Auguste envoie son armĂ©e au-devant puis se met en route avec une petite escorte de gentilshommes. Quand il s’approche du Montferrat, il fait prĂ©venir la marquise de bien vouloir l’accueillir Ă  dĂ©jeuner le lendemain Ă  midi. La marquise, perspicace autant que sage, comprend fort bien les intentions du roi et le motif secret de sa visite. Elle tient cependant Ă  l’honorer. Elle rĂ©unit les gentilshommes du Montferrat et prend conseil auprĂšs d’eux pour les prĂ©paratifs que l’étiquette impose. Mais elle se rĂ©serve le soin de choisir les mets du banquet. Elle fait prĂ©parer uniquement des poules, toutes les poules que l’on put se procurer dans la contrĂ©e. 3 Dec., I, 5, 14. 4La troisiĂšme sĂ©quence est la scĂšne du banquet, le cƓur de l’histoire. Le roi arrive, il est reçu avec de grands honneurs. À l’heure du dĂ©jeuner, le roi et la marquise sont Ă  la table d’honneur, les autres commensaux prennent place selon leur qualitĂ© et rang aux autres tables. Philippe Auguste est sous le charme des excellents vins de grand prix, des mets, et surtout de l’extraordinaire beautĂ© de la marquise. Il finit par s’étonner de voir que tous les plats qui se succĂšdent ne contiennent que des poules, certes cuisinĂ©es de diverses maniĂšres. Philippe Auguste sait que la contrĂ©e est giboyeuse, que la marquise aurait eu le temps d’organiser une chasse et de faire apprĂȘter du gibier, puisqu’elle a Ă©tĂ© prĂ©venue la veille. MalgrĂ© son Ă©tonnement, il s’abstient de toute remarque qui pourrait exprimer ou sous-entendre un reproche sur le menu qui lui est servi. Il engage la conversation avec la marquise sur un seul sujet, ce repas exclusivement composĂ© de poules. Il s’enquiert Dama, nascono in questo paese solamente galline senza gallo alcuno ? »3. 4 Dec., I, 5, 15. 5La derniĂšre sĂ©quence est brĂšve, et cette concision donne une grande force Ă  la fin de l’histoire. La marquise saisit parfaitement les sous-entendus et le non-dit de la question que Philippe Auguste vient de lui poser. Trouvant lĂ  une excellente occasion de prĂ©ciser dans quelle disposition elle se trouve Ă  l’égard du roi son hĂŽte, elle rĂ©plique avec assurance Monsignor no, ma le femine, quantunque in vestimenti e in onori alquanto dall’altre variino, tutte per ciĂČ son fatte qui come altrove »4. Ces quelques mots suffisent pour que le roi comprenne fort bien la raison de ce banquet de poules ainsi que le sens cachĂ© de la rĂ©plique qu’il vient de s’attirer. Comme le rappelle Vittore Branca 5 Vittore Branca, Decameron, cit., p. 1026, note 1. Questo ragionamento, oltre che negli antecedenti giĂ  citati, era patrimonio del buon senso moralistico del tempo anche Paolo da Certaldo, Libro di buoni costumi, n. 135 “[...] pensa che tutte sono femmine e tutte sono fatte a uno modo ; e perĂČ non porre piĂč amore a l’una che a l’altra”.5 6Philippe Auguste comprend aussi qu’avec une telle femme, c’est en vain qu’il userait de son Ă©loquence ou emploierait la force. Il estime qu’il est sage d’étouffer le dĂ©sir que, sottement, il avait mal conçu Ă  l’égard de la marquise. Mettant un terme Ă  son badinage, car il redoute Ă  prĂ©sent les rĂ©pliques de la dame, le roi achĂšve le banquet en ayant renoncĂ© Ă  tout espoir d’assouvir son dĂ©sir. De la conversation entre les deux grands personnages, plus rien ne nous est rapportĂ©, ce qui pourrait laisser entendre qu’il n’y eut plus qu’un Ă©change de banalitĂ©s insignifiantes et de politesses convenues. Le repas fini, le roi remercie la marquise de l’honneur qu’elle lui a fait et se met en route pour GĂȘnes, oĂč il doit prendre la mer. Un grand roi aux excellentes maniĂšres 6 Dec., I, 5, 9 et 12. 7Il est un point de dĂ©part certain le roi de France Philippe Auguste est prĂ©sentĂ© comme un grand roi, uno cosĂŹ fatto re », un sĂŹ fatto re »6. L’expression, rĂ©pĂ©tĂ©e deux fois, accole au titre de roi la locution cosĂŹ fatto » qui a une valeur laudative et emphatique, cosĂŹ Ă©tant employĂ© en fonction non de comparatif mais d’intensif. Cette dĂ©signation suffit pour rappeler que le roi de France est de maniĂšres parfaites, comme il sied Ă  un chevalier accompli il est au sommet de la hiĂ©rarchie fĂ©odale et il se doit – par Ă©ducation, par nĂ©cessitĂ© protocolaire et politique – d’ĂȘtre irrĂ©prochable sur le chapitre des bonnes maniĂšres. Il est mĂȘme inconcevable que quelque autre personnage puisse avoir de meilleures maniĂšres qu’un si grand roi. On peut concevoir d’aussi bonnes maniĂšres chez quelque grand, par exemple le roi Charles Ier d’Anjou, dans la nouvelle 6 de la Xe journĂ©e, qui, Ă  bien des Ă©gards, est la version corrigĂ©e de la mauvaise conduite du roi Philippe Auguste. Mais on ne saurait affirmer que le roi Philippe Auguste n’a pas d’excellentes maniĂšres. Ce point est important pour une bonne comprĂ©hension de la nouvelle. Quelques motifs de perplexitĂ© 8Si l’on considĂšre cette historiette en elle-mĂȘme, hors du dessein gĂ©nĂ©ral du DĂ©camĂ©ron, les motifs de perplexitĂ© sont bien rĂ©els. 7 Dec., I, 5, 15. 9Un grand roi et une trĂšs grande dame ont une brĂšve conversation qui a pour sujet des poules. Une conversation limitĂ©e Ă  un Ă©change serrĂ© de deux courtes rĂ©pliques. La premiĂšre, dans la bouche du roi, est dans une situation d’énonciation telle – le marquis est Ă  la croisade, la marquise est sans son Ă©poux – qu’il est aisĂ© de la dĂ©coder. Le zoomorphisme voile Ă  peine la vĂ©ritable question ad fƓminam Vous n’avez donc pas de mĂąle ? ». La seconde rĂ©plique rĂ©pond, avec une insurpassable briĂšvetĂ©, Ă  la lettre zoomorphique de la question Monsignor no », ce qui fait tomber Ă  plat la ruse grossiĂšre. Mais la suite de la rĂ©plique rĂ©pond bien davantage au non dit qu’à l’énoncĂ© explicite de la premiĂšre rĂ©plique et replace la conversation dans son vĂ©ritable sujet, les femmes ma le femine, quantunque in vestimenti e in onori alquanto dall’altre variino, tutte per ciĂČ son fatte qui come altrove »7. Abandonnant la fiction d’un zoomorphisme lourdaud, la marquise Ă©nonce une formule lapidaire – une sentence en quelque sorte – dans laquelle il est question sans dĂ©tour de femine, vestimenti et onori pour affirmer tutte [
] son fatte qui come altrove ». Le dĂ©ictique qui », en renvoyant Ă  la situation d’énonciation entre cet homme et cette femme, ruine la circonlocution zoomorphique du roi. Finalement, la briĂšvetĂ© de ces deux seules rĂ©pliques engendre un fort effet de surprise, car codage et surtout dĂ©codage des rĂ©pliques ne se situent pas dans l’ordre de l’évidence sĂ©mantique et font surtout appel Ă  la situation d’énonciation autant qu’aux arriĂšre-pensĂ©es des interlocuteurs. Ainsi la collaboration active d’un lecteur compĂ©tent et attentif est particuliĂšrement sollicitĂ©e. Et pour finir, un grand roi qui ravale son violent dĂ©sir, du seul fait qu’il saisit Ă  demi-mot une parole piquante que la marquise lui a adressĂ©e. 10VoilĂ  qui peut paraĂźtre mince pour constituer une nouvelle de la journĂ©e par oĂč le DĂ©camĂ©ron commence. Une interprĂ©tation partielle 11Une premiĂšre approche, mais une approche partielle, consiste Ă  voir dans la nouvelle de la marquise de Monferrat l’application de 8 Mario Baratto, RealtĂ  e stile nel Decameron », Roma, Editori Riuniti, 1993 2a, p. 231. l’ispirazione fondamentale della prima giornata che non Ăš solo la dimostrazione [
] della “forza delle belle e pronte risposte” I, 5, 4, ma l’inverarsi di esse nei rapporti concreti di singoli personaggi. Rapporti che sanno rispondere all’accortezza con l’accortezza ; che presentano all’iniziativa dell’uno la sorpresa scattante della perspicacia di un altro, nel quale la novella o il motto costituiscono il logico epilogo di una condotta 9 Vittore Branca, Decameron,cit., p. 1024, note 4. 12Il est vrai que la sentence quanta sia la forza delle belle e pronte risposte », que Fiammetta rappelle dans son exorde, est un motif qui revient dans la IĂšrejournĂ©e. Mais on ne saurait y voir le thĂšme de la journĂ©e. Explicitement, la IĂšre journĂ©e ne se voit attribuer aucun thĂšme. C’est la VIe journĂ©e qui a pour thĂšme les mots d’esprit, les belles et promptes rĂ©parties. Comme le fait observer Vittore Branca en marge de la sentence par laquelle Fiammetta ouvre son rĂ©cit, Dopo esser stato uno dei motivi piĂč frequenti, questo sarĂ  il tema della VI giornata »9. 13Pour rĂ©pandue qu’elle soit, cette premiĂšre approche de notre nouvelle est partielle pour les raisons qui suivent. 14Chaque nouvelle est toujours prĂ©cĂ©dĂ©e de deux parties fixes. 10 Dec., I, 5, 1. 15On trouve tout d’abord la rubrica, bref sommaire de quelques lignes. Chaque rubrica rĂ©sume Ă  grands traits la portĂ©e didactique de la nouvelle ainsi que l’histoire elle-mĂȘme. On doit toujours tenir compte de cette rubrica parce qu’elle est extĂ©rieure Ă  la fiction de la nouvelle-cadre – la fameuse cornice du DĂ©camĂ©ron – qui emboĂźte les cent nouvelles. La rubrica constitue trĂšs prĂ©cisĂ©ment le discours de Boccace auteur, au mĂȘme titre que le paratexte constituĂ© par le proemio, le dĂ©but de l’Introduzione Ă  la IĂšre journĂ©e avec le rĂ©cit de la peste Ă  Florence, l’Introduzione Ă  la IVĂšmejournĂ©e, la Conclusione dell’autore. Chaque rubrica est une sorte de guide de lecture proposĂ© par Boccace auteur. Parfois, la rubrica en dit plus que la nouvelle ou projette sur elle un Ă©clairage que ne donne pas la nouvelle proprement dite. Or la rubrica de notre nouvelle fait Ă©tat du folle amore del re di Francia »10. Nous avons par lĂ  un premier guide de lecture, un premier Ă©clairage qui concerne non point la marquise de Montferrat mais le roi de France. La marquise est l’hĂ©roĂŻne de la nouvelle dans la mesure oĂč elle est l’exemplum digne d’ĂȘtre imitĂ©, rĂ©unissant bonnes maniĂšres et conduite irrĂ©prochable. Le roi de France joue le mauvais rĂŽle. Il rĂ©unit des maniĂšres irrĂ©prochables et une conduite condamnable, devenant l’exemplum de ce qu’il faut fuir. Certes, il faut attendre la suite pour en savoir plus, mais la rubrica attire dĂ©jĂ  l’attention du lecteur compĂ©tent sur le folle amore » sur le chapitre des conduites amoureuses, le folle amore » est ce qu’il y a de pire. Il ne s’agit nullement de l’amour fou des Romantiques, amour admirable par son excĂšs mĂȘme. Il s’agit du mauvais amour, le contraire du fin amor » amour parfait. Le folle amore » est toujours condamnable et toujours rĂ©prouvĂ©, comme nous le verrons. 11 Dec., I, 5, 2. 12 Dec., I, 5, 3. 16AprĂšs la rubrica vient toujours le cappello c’est l’exorde de la nouvelle. Il contient toujours en premier lieu une courte soudure faite par Boccace auteur, soudure qui rattache la nouvelle qui va ĂȘtre contĂ©e Ă  la nouvelle-cadre – la cornice du DĂ©camĂ©ron – en prĂ©cisant Ă  qui vient le tour de prendre la parole aprĂšs Dioneo11, c’est Ă  prĂ©sent Ă  Fiammetta de proposer une nouvelle12. Le cappello contient, en second lieu, des considĂ©rations faites par la narratrice ou le narrateur – ici par Fiammetta – sur la nouvelle qui vient d’ĂȘtre racontĂ©e et sur la portĂ©e didactique de la nouvelle qui va ĂȘtre racontĂ©e. Chaque cappello contient, le plus souvent en son dĂ©but, une adresse aux jeunes femmes de la petite sociĂ©tĂ© qui s’est rĂ©unie Ă  la campagne – comme s’il n’y avait pas trois jeunes hommes – et donc, Ă  travers elles, aux lectrices c’est lĂ  un hommage appuyĂ© que Boccace rend aux femmes, auxquelles prĂ©cisĂ©ment le DĂ©camĂ©ron est dĂ©diĂ©. Les considĂ©rations que le cappello contient sont toujours trĂšs importantes. Elles prennent souvent appui sur un rapide jugement d’ensemble sur la nouvelle qui vient d’ĂȘtre racontĂ©e. Ce n’est pas lĂ  simplement un acte banal de courtoisie mondaine Ă  l’égard de la narratrice ou du narrateur qui vient de parler. C’est l’indication Ă  peine voilĂ©e d’un enchaĂźnement entre les nouvelles qui se suivent, non point au hasard, sans ordre ni raison comme dans un quelconque florilĂšge, mais bien selon des rapports d’analogie, de complĂ©mentaritĂ©, de renversement, de prolongement, de dĂ©veloppement, ou par bouleversement d’un ordre qui avait Ă©tĂ© suivi jusque-lĂ . Ces raccords soulignent Ă  quel point les nouvelles qui composent le DĂ©camĂ©ron sont distribuĂ©es selon une architecture d’ensemble, et nous verrons que notre nouvelle est en correspondance structurale et thĂ©matique avec son symĂ©trique, la nouvelle qui occupe la place centrale de la derniĂšre journĂ©e X, 6. Enfin, le cappello Ă©nonce, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, l’enseignement que la nouvelle va illustrer. C’est donc un guide de lecture trĂšs important. Le rapport entre cette partie du cappello et l’histoire proprement dite est gĂ©nĂ©ralement un rapport entre enseignement cappello et dĂ©monstration nouvelle proprement dite. Le cappello de notre nouvelle prĂ©cise l’annonce faite dans la rubrica sur plusieurs points, et notamment Ă  l’égard du roi de France, dont nous savons dĂ©jĂ  qu’il est coupable d’un folle amore ». 13 Selon les prĂ©ceptes de la rhĂ©torique mĂ©diĂ©vale, l’Ɠuvre ou le discours sermo » doit s’ouvrir p ... 17ConformĂ©ment aux prĂ©ceptes de la rhĂ©torique mĂ©diĂ©vale13, Fiammetta place en tĂȘte de son propos deux sentences qui constituent Ă  proprement parler le cappello. Or quanta sia la forza delle belle e pronte risposte » n’est que la premiĂšre des deux sentences. L’interprĂ©tation de la nouvelle est partielle si l’on extrait cette premiĂšre sentence de l’ensemble auquel elle appartient et, surtout, si l’on ne tient pas compte de la seconde sentence, qui donne Ă  notre nouvelle un tout autre sens qu’une histoire de bon mot, de belle rĂ©partie prompte et judicieuse. En effet, Fiammetta poursuit son exorde par cette seconde sentence 14 Dec., I, 5, 4. sĂŹ ancora perchĂ© quanto [
] nelle donne Ăš grandissimo avvedimento il sapersi guardare dal prendersi dell’amore di maggiore uomo che ella non Ăš, m’ù caduto nell’animo, donne mie belle, di mostrarvi, nella novella che a me tocca di dire, come e con opere e con parole una gentil donna sĂ© da questo guardasse e altrui ne 15 Ibidem. C’est nous qui soulignons. 18Que ce cappello propose un enseignement, mais un enseignement double portant sur les deux sentences de l’exorde, dont la nouvelle proprement dite va ĂȘtre la dĂ©monstration, c’est ce que dit clairement Fiammetta m’ù caduto nell’animo, donne mie belle, di mostrarvi, nella novella che a me tocca di dire »15. 16 Aristote, RhĂ©torique, livre premier, chapitres I-III. 17 Ernst Robert Curtius, La littĂ©rature europĂ©enne et le Moyen Âge latin, traduction française, Paris ... 19Selon la rhĂ©torique, l’argumentation part de prĂ©misses sim-plement vraisemblables, c’est-Ă -dire qui appartiennent aux opinions partagĂ©es par l’auditoire. Il s’agit de construire un ensemble de preuves Ă  partir de ce que croit et admet l’auditoire. Les preuves peuvent ĂȘtre de deux ordres16. Il y a d’une part les preuves que construit l’art d’argumenter et qui reposent sur l’usage de l’enthymĂšme, de l’argumentum et de l’exemplum. Il y a d’autre part les preuves toutes faites telles que les lois, les tĂ©moignages, les piĂšces Ă  conviction17. La dĂ©monstration par l’exemplum n’est certes qu’une induction, puisqu’on induit une rĂšgle gĂ©nĂ©rale Ă  partir d’un fait singulier, mais elle gagne en persuasion efficace quand l’exemplum est un fait historique – ou tenu pour tel – et a donc la force de ce qui s’est passĂ©. 20Mario Baratto, lecteur savant, attentif et fin du DĂ©camĂ©ron, avait bien perçu que la nouvelle ne pouvait ĂȘtre rĂ©duite Ă  une simple histoire de belle e pronte risposte », puisqu’il soulignait que 18 Mario Baratto, op. cit., p. 331. Talvolta la salvezza individuale Ăš addirittura ottenuta grazie all’accorta utilizzazione delle convenzioni sociali come nella I, 5, dove la perenne “forza delle belle e pronte risposte” § 4 Ăš proposta nel cappello di Fiammetta al servizio, prima ancora che dell’onestĂ  coniugale di una marchesana, di una tradizionale etica cortese dell’ 21La nouvelle se situe bien au-delĂ  d’une histoire de belle e pronte risposte ». Elle est, certes, l’histoire de la marquise, qui prouve par l’exemplum la perspicacitĂ© et l’esprit de vive rĂ©partie d’une grande dame. Elle met en scĂšne la judicieuse utilisation des conventions sociales pour sauvegarder l’honneur d’une femme et d’une Ă©pouse, pour sauvegarder une Ă©thique courtoise de l’amour. 22Mais la nouvelle est aussi l’histoire du roi Philippe Auguste, qui prouve par l’exemplum qu’un grand roi peut bien avoir de fort bonnes maniĂšres et avoir une conduite condamnable au triple regard du code de l’honneur chevaleresque, du code de l’amour courtois, de la sagesse politique. 23Il y a donc une polysĂ©mie de notre nouvelle. BriĂšvetĂ© n’est pas synonyme de simplicitĂ©. Une conduite condamnable 19 Cf. RenĂ© Stella, La fonction narrative de l’auberge dans le “DĂ©camĂ©ron”, in Auberges, hĂŽtels et au ... 20 Decameron, cit., I, Introduzione, 4. 21 Christian Bec, PrĂ©cis de littĂ©rature italienne, Paris, 1995 2e Ă©d., p. 69. 22 Ibidem, p. 67. 24Notre nouvelle se trouve Ă  l’évidence au centre des dix nouvelles de la IĂšre journĂ©e. Or, la IĂšre journĂ©e du DĂ©camĂ©ron revĂȘt une signification capitale pour l’ensemble du livre. Elle n’occupe pas simplement une fonction d’exorde, elle ne se limite pas Ă  donner le ton de l’ouvrage. Du fait mĂȘme de sa matiĂšre, la IĂšre journĂ©e inscrit le DĂ©camĂ©ron dans un genre littĂ©raire, la comƓdia, et dans un registre stylistique, le stylus comicus ou registre mezzano19. L’introduction Ă  la IĂšre journĂ©e, par le rĂ©cit de la terrible peste de 1348, ouvre le DĂ©camĂ©ron sur un orrido cominciamento »20. La premiĂšre nouvelle de cette journĂ©e, qui met en scĂšne le scĂ©lĂ©rat ser Cepparello, lequel rĂ©unit tous les vices et toutes les noirceurs, Ă©tale longuement l’horreur qu’une seule et mĂȘme personne peut concentrer jusqu’à l’article de la mort. La suite de la IĂšre journĂ©e prolonge cette galerie des comportements et de conduites condamnables. Progressivement, le reste du livre conduit vers une fin heureuse. La derniĂšre journĂ©e, en effet, est consacrĂ©e aux nouvelles qui font assaut de valeurs morales exemplaires, de telle sorte que la dixiĂšme et derniĂšre journĂ©e du DĂ©camĂ©ron a pu ĂȘtre dĂ©finie comme “le jardin des plus hautes vertus” Vittore Branca, oĂč sont glorifiĂ©es la gĂ©nĂ©rositĂ©, la libĂ©ralitĂ© et la maĂźtrise de soi »21. Selon les critĂšres en vigueur au XIVe siĂšcle, cette progression depuis un commencement horrible jusqu’à une fin heureuse correspond Ă  la dĂ©finition de la comƓdĂŹa comme genre littĂ©raire non théùtral. Cette progression constitue, comme l’a soulignĂ© Christian Bec, l’un des aspects essentiels du DĂ©camĂ©ron Du mal au bien, du pire au meilleur, ainsi va l’itinĂ©raire du DĂ©camĂ©ron »22. 23 Dante, De vulgari eloquentia, livre II, chapitre IV, paragraphes 5-6. 24 Sur la tripartition stylistique au Moyen Âge et dans l’Ɠuvre de Dante, cf. Pier Vincenzo Mengaldo, ... 25La comƓdĂŹa correspond Ă  une catĂ©gorie stylistique le registre comicus, dĂ©fini par Dante dans le De vulgari eloquentia comme niveau de langue et degrĂ© de style23, intermĂ©diaire entre bas humilis et moyen mediocris, et plus prĂ©cisĂ©ment mixte des registres extrĂȘmes24. 25 Michel Jarrety sous la direction de, Lexique des termes littĂ©raires, Paris, Librairie GĂ©nĂ©rale F ... 26La nouvelle de la marquise de Montferrat et du roi de France occupe une place centrale dans cette journĂ©e. Dans l’économie de l’ouvrage, une place centrale est gĂ©nĂ©ralement l’expression structurale d’une signification capitale. En effet, dans la rhĂ©torique classique comme dans la rhĂ©torique mĂ©diĂ©vale, l’ordre et la place des diverses parties du discours relĂšvent de l’argumentatio – le cƓur de la rhĂ©torique25 – et sont mĂ»rement choisis. 27Or la raison pour laquelle la cinquiĂšme nouvelle occupe une place centrale dans la IĂšre journĂ©e, qui met au grand jour les noirceurs des comportements et des conduites, n’est pas immĂ©diatement sous le signe de l’évidence pour un lecteur moderne. Il convient de se reporter Ă  cet ensemble de codes culturels et littĂ©raires en vigueur entre la fin du XIIe siĂšcle, Ă©poque oĂč se situe l’histoire racontĂ©e, et le milieu du XIVe siĂšcle, Ă©poque oĂč Boccace Ă©crit le DĂ©camĂ©ron, pour voir apparaĂźtre la signification de la nouvelle et la portĂ©e de sa place centrale un grand roi, chevalier accompli et d’éducation parfaite, sans jamais se dĂ©partir de ses bonnes maniĂšres, affiche une conduite condamnable qui allie dĂ©loyautĂ© envers un grand fĂ©odal, concupiscence sans frein, goujaterie Ă  l’égard d’une noble dame d’exception, grave faute politique – conduite la plus dĂ©plorable pour un souverain. 28La perspicacitĂ© et la sagacitĂ© de la noble dame triplement bafouĂ©e – on tente de la sĂ©duire, voire par la force, alors que son Ă©poux vient de partir Ă  la croisade, elle est l’objet d’un dĂ©sir insensĂ© et contraire aux rĂšgles d’amour, on la traite comme un objet alors qu’elle exerce la suzerainetĂ© fĂ©odale sur ses terres en l’absence de son Ă©poux Ă  la croisade – mettent en lumiĂšre cette duplicitĂ© entre bonnes maniĂšres et mauvaise conduite, duplicitĂ© d’autant plus condamnable que la noblesse est rĂ©putĂ©e ĂȘtre fonction de la morum probitas », la bonne qualitĂ© et droiture des mƓurs. Le dĂ©part prĂ©cipitĂ© du roi est la honteuse sortie de scĂšne de quelqu’un qui a failli aux codes de l’honneur Ă  l’égard de la morale individuelle et de la chevalerie, Ă  l’égard du code de l’amour courtois, enfin Ă  l’égard de cette branche de la morale collective qu’est la politique. En bref, une mauvaise conduite que les bonnes maniĂšres ne peuvent racheter. 26 Dante Alighieri, Inferno, III, 59-60. C’est nous qui soulignons. 27 Dante Alighieri, Vita nuova, XX, 3-5. 28 Ibidem, XXVI, 5-7. 29L’exorde de Fiammetta ne contient aucune formule de blĂąme Ă  l’égard du roi de France, mais le choix des mots qui s’appliquent Ă  Philippe Auguste y supplĂ©e. Le roi de France est dĂ©signĂ© par le pronom indĂ©fini altrui » alors que la marquise est dĂ©signĂ©e par les termes de gentil donna ». Le pronom indĂ©fini Ă©vite le lĂšse-majestĂ© mais ĂŽte au roi toute noblesse en l’espĂšce. On se souvient du procĂ©dĂ© de la dĂ©signation mĂ©prisante par la voie indirecte de l’indĂ©fini chez Dante colui / che fece per viltade il gran rifiuto »26. Bien au contraire, la noblesse de cƓur et de lignage de la marquise est explicitĂ©e par les deux termes gentil » canonique depuis l’usage qu’en fit Dante dans les cĂ©lĂšbres Amor e l cor gentil sono una cosa27, ou Tanto gentil e tanto onesta pare / la donna mia28 et donna » qui, par rapport Ă  femmina, restitue fortement la valence de l’étymon domina ». Conduite condamnable Ă  l’égard du code chevaleresque dĂ©loyautĂ© et mĂ©pris de l’hospitalitĂ© 29 Dec., I, 5, 5. 30 Ibidem. 31 Dec., I, 5, 6. 30Le roi Philippe Auguste sait que le marquis de Monferrat est un personnage important, un grand fĂ©odal Era il marchese di Monferrato, uomo d’alto valore, gonfaloniere della Chiesa »29. Le roi sait aussi que le marquis a levĂ© une armĂ©e et s’est dĂ©jĂ  embarquĂ© pour participer Ă  la croisade en Terre Sainte Era il marchese di Monferrato [
] oltremare passato in un general passaggio da’ cristiani fatto con armata mano »30. Le roi sait que le marquis est un chevalier accompli, irrĂ©prochable tra’ cavalieri era d’ogni virtĂș il marchese famoso »31. Cela n’empĂȘche nullement le roi de profiter du dĂ©part du marquis pour tenter – y compris par la force – de sĂ©duire son Ă©pouse, en toute dĂ©loyautĂ©. Il y a lĂ , sans appel, une conduite condamnable Ă  l’égard du code de l’honneur chevaleresque. 31D’autre part, Philippe Auguste viole avec prĂ©mĂ©ditation les rĂšgles de l’hospitalitĂ©. Il dĂ©cide de satisfaire l’appĂ©tit concupiscent qui s’est emparĂ© de lui en forçant la marquise de Monferrat Ă  lui offrir l’hospitalitĂ© 32 Dec., I, 5, 7-8. propose di non volere, al passaggio al quale andava, in mare entrare altrove che a Genova, acciĂČ che quivi, per terra andando, onesta cagione avesse di dovere andare la marchesana a vedere, avvisandosi che, non essendovi il marchese, gli potesse venir fatto di mettere a effetto il suo disio. E secondo il pensier fatto mandĂČ a 32Si les marchands, moines, pĂšlerins et autres itinĂ©rants roturiers faisaient halte dans des auberges et des couvents, l’usage Ă©tait que les grands, rois, princes, seigneurs, abbĂ©s et grands prĂ©lats s’offraient l’hospitalitĂ© entre eux. Mais l’hĂŽte qui accueillait et l’hĂŽte accueilli Ă©taient liĂ©s entre eux par les usages de l’hospitalitĂ© selon lesquels, d’un cĂŽtĂ© comme de l’autre, chacun Ă©tait sinon franchement sacrĂ© du moins honorĂ© et respectĂ©. 33 Dec., I, 5, 16. Cf. Vittore Branca non era possibile, non era il caso di usar violenza, di insi ... 33Philippe Auguste prĂ©voit de dĂ©shonorer celle Ă  qui il va demander l’hospitalitĂ©. C’est un cas non seulement de dĂ©loyautĂ©, mais aussi de forfaiture comme terme de fĂ©odalitĂ© Philippe Auguste viole la loi fĂ©odale qui lie suzerain et vassal par un rĂ©seau de devoirs mais aussi de droits. Le marquis a le devoir de seconder l’entreprise militaire du roi de France, mais il a le droit de voir son honneur respectĂ©. La marquise a le devoir d’accueillir et d’honorer le roi, mais elle a le droit d’ĂȘtre par lui honorĂ©e et respectĂ©e. En l’espĂšce, Philippe Auguste a eu un instant Ă  l’esprit le viol de la marquise e accorsesi [
] che forza non v’avea luogo »33. Conduite condamnable Ă  l’égard du code Ă©thique pusillanimitĂ© et prĂ©somption 34 Dec., X, 6, 29-31. C’est nous qui soulignons. 35 Fiore, LXVIII, 4 ; CLXI, 9. 36 II, 7, 1107b, 22. 34La teneur du blĂąme qu’encourt ici le roi Philippe Auguste se retrouve dans le blĂąme que le conte Guido adresse au roi Carlo, coupable de vouloir sĂ©duire et enlever les filles du chevalier messer Neri Questo non Ăš atto di re magnanimo anzi d’un pusillanimo giovinetto [
] qual tradimento si commise giĂ  mai piĂč degno d’eterno supplicio, che saria questo »34. La petitesse d’ñme – la pusillanimitĂ© – qui consiste Ă  attenter Ă  l’honneur d’un chevalier fort respectable alors qu’il a le dos tournĂ© au combat ou, comme dans notre nouvelle, alors qu’il vient de partir Ă  la guerre, n’est pas simple dĂ©loyautĂ©. Certes, le roi est disleale », terme attestĂ© dans le Fiore35 dans le sens de traditore ». Mais un grand roi relĂšve encore plus de la catĂ©gorie et de la casuistique de la magnanimitate » Ă  laquelle fait explicitement rĂ©fĂ©rence le conte Guido quand il admoneste le roi Carlo. Le terme magnanime ne doit Ă©videmment pas ĂȘtre entendu dans le sens moderne du français littĂ©raire, oĂč l’usage l’a fortement affaibli pour n’en faire qu’un synonyme Ă©lĂ©gant de bon, clĂ©ment, gĂ©nĂ©reux. Il s’agit ici de la cinquiĂšme vertu morale dans le catalogue Ă©tabli par Aristote dans l’Éthique Ă  Nicomaque36. La magnanimitĂ© se dĂ©finit comme l’aspiration Ă  l’honneur dans la mesure qu’il faut, en relation avec les mĂ©rites que l’on possĂšde effectivement. En ce sens, c’est l’accomplissement de toutes les autres vertus que la magnanimitĂ© prĂ©suppose et qu’elle rend plus grandes encore. 37 Domenico Consoli, in Enciclopedia dantesca, diretta da Umberto Bosco, Roma, Istituto della Enciclo ... 38 Cf. John A. Scott, Dante magnanimo. Studi sulla Commedia », Firenze, Olschki, 1977. 39 Eth. IV lect. VIII, n. 736, citĂ© par Domenico Consoli,art. cit., p. 768. 35Dante, dans le Convivio et dans la Divine ComĂ©die, avait largement diffusĂ© la doctrine de la magnanimitĂ©, en s’inspirant directement de l’Éthique Ă  Nicomaque mais aussi du commentaire de saint Thomas d’Aquin sur l’Éthique aristotĂ©licienne ainsi que du TrĂ©sor de Brunetto Latini37. On se souvient que Dante avait prĂ©sentĂ© Farinata degli Uberti comme magnanimo » tout en le plaçant en enfer condamnĂ© pour hĂ©rĂ©sie, mais prĂ©servant soigneusement toute sa grandeur et son indiscutable dignitĂ©38. Thomas d’Aquin avait commentĂ© l’analyse d’Aristote en ces termes ille videtur esse magnanimus qui dignum seipsum ĂŠstimat magnis, idest ut magna faciat et magna ei fiant, cum tamen sit dignus »39. La grandeur, l’aspiration Ă  l’honneur dans la juste mesure en relation avec les mĂ©rites que l’on possĂšde effectivement peuvent se retrouver jusque dans la noirceur, dans le crime, dans l’horreur. 36Ainsi, dans la culture de Boccace et de ses lecteurs, le roi Philippe Auguste, tel qu’il est mis en scĂšne dans notre nouvelle, est bel et bien coupable d’une conduite honteuse, et condamnable sans appel comme pusillanime, non par nature mais comme ĂȘtre dĂ©chu de la magnanimitĂ© qui Ă©tait son habitus. Dans le Convivio Dante avait clairement Ă©tabli la relation qui existe entre la magnanimitĂ© ainsi entendue et l’appĂ©tit – concupiscent ou bien irascible – que la droite raison doit soumettre Ă  sa mesure et Ă  son frein 40 Dante, Convivio, IV, XXVI, 5. Lo freno usa quando elli caccia [
] lo sprone usa quando fugge, per lui tornare a lo loco onde fuggire vuole, e questo sprone si chiama fortezza, o vero magnanimitate, la quale vertute mostra lo loco dove Ăš da fermarsi e da 37Or le roi Philippe Auguste se montre incapable de mettre un frein Ă  son appĂ©tit concupiscent, Ă  son dĂ©sir sexuel. C’est par lĂ  qu’il manque de magnanimitĂ©. 41 CitĂ© par Domenico Consoli,art. cit., p. 768. 38En manquant de magnanimitĂ©, le roi encourt en premier lieu l’accusation d’avoir Ă©tĂ© prĂ©somptueux. Car celui qui se considĂšre comme digne de grandes choses, mais en rĂ©alitĂ© en est indigne, avait Ă©tĂ© qualifiĂ© par Thomas d’Aquin de fumosus », avec ce commentaire quem possumus dicere ventosum, vel prĂŠsumptuosum »41. Le texte de notre nouvelle est Ă©maillĂ© de trĂšs discrĂštes allusions au caractĂšre prĂ©somptueux de la tentative de Philippe Auguste 42 Dec., I, 5, 7. di subito ferventemente la cominciĂČ a amare ; e propose di non volere, al passaggio al quale andava, in mare entrare altrove che a Genova, acciĂČ che quivi, per terra andando, onesta cagione avesse di dovere andare la marchesana a vedere, avvisandosi che, non essendovi il marchese, gli potesse venir fatto di mettere a effetto il suo disio. E secondo il pensier fatto mandĂČ a 43 Vittore Branca, Decameron, cit., p. 1025, note 5. 39Vittore Branca rappelle dans son commentaire que l’adjectif onesta » doit ĂȘtre entendu ici dans le sens de conveniente al suo onore »43. Or le projet de Philippe Auguste n’a rien qui puisse convenir Ă  son honneur, dĂšs lors que le texte prĂ©cise qu’il s’agit pour le roi de mettere a effetto il suo disio », et nullement d’honorer – au sens sĂ©rieux du terme – la marquise. Pour ne rien dire du viol qui, s’il n’a pas eu lieu, a un peu plus qu’effleurĂ© l’esprit du roi. L’Histoire est certes pleine de viols. Mais l’Histoire ne dit pas que contraindre par la violence une femme Ă  un rapport sexuel soit honorable pour le violeur, soit un honneur fait Ă  la femme violĂ©e, soit une conduite qui participe de la magnanimitĂ©. 44 Dec., VIII, 10, 10. 45 Dec., II, 5, 3. 46 Dec., I, 5, 6. 47 Dec., I, 5, 9. 40PrĂ©somptueux, le roi l’est encore en s’imaginant qu’il lui suffirait de paraĂźtre pour satisfaire son dĂ©sir. PrĂ©somptueux, Philippe Auguste l’est enfin selon la terminologie en vigueur dans le DĂ©camĂ©ron, Ă  peu prĂšs comme le jeune marchand florentin NiccolĂČ da Cignano dit Salabaetto qui se figure que la courtisane qu’il prend pour une grande dame ne rĂ©sisterait pas Ă  sa beautĂ© s’avvisĂČ che per la sua bellezza le piacesse »44. PrĂ©somptueux, Philippe Auguste s’est comportĂ© en homme poco cauto », comme il est dit d’un autre prĂ©somptueux, mais de basse extraction, Andreuccio da Perugia45. Or Philippe Auguste a conçu son sot projet aprĂšs avoir entendu Ă  sa cour dire que la marquise tra tutte l’altre donne del mondo era bellissima e valorosa »46. L’adjectif valorosa » fait partie du propos d’un chevalier qui avait pris la parole Ă  la cour de France. Cet adjectif est ensuite dĂ©clinĂ© par la narratrice Fiammetta en savia e avveduta »47. Philippe Auguste n’a retenu que bellissima » et a nĂ©gligĂ© l’adjectif valorosa », qui dĂ©signait les qualitĂ©s et vertus intellectuelles et morales de la marquise. AveuglĂ© par l’appĂ©tit concupiscent, le roi a Ă©tĂ© tout le contraire d’avveduto, bref un sot. 48 IV, III, § 2. 41En manquant de la cinquiĂšme vertu morale, le roi efface l’accomplissement de toutes les autres vertus, ou du moins les amoindrit. À cet Ă©gard, comme l’enseigne Aristote dans l’Éthique Ă  Nicomaque, celui qui a de lui-mĂȘme cette haute estime sans la mĂ©riter, est un insensĂ© »48. InsensĂ©, Philippe Auguste l’est encore dans sa conduite condamnable Ă  l’égard du code de l’amour courtois. Conduite condamnable Ă  l’égard du code de l’amour courtois amour insensĂ© 42La rubrica de la nouvelle grossit le trait en n’allĂ©guant que le folle amore del re di Francia ». Mais la portĂ©e de la nouvelle est ainsi clairement explicitĂ©e avant mĂȘme le dĂ©but de l’histoire. 43Dans le cappello de la nouvelle, Fiammetta a rappelĂ© une sentence qui sert de point de dĂ©part au rĂ©cit et Ă  l’enseignement qu’il renferme 49 Dec., I, 5, 4. C’est nous qui soulignons. negli uomini Ăš gran senno il cercar d’amar sempre donna di piĂč alto legnaggio che egli non Ăš, cosĂŹ nelle donne Ăš grandissimo avvedimento il sapersi guardare dal prendersi dell’amore di maggiore uomo che ella non 44Sans jamais formuler explicitement Ă©loge ou blĂąme Ă  cet Ă©gard, Boccace emploie subtilement les ressources qu’offre le choix des termes pour dĂ©velopper cette sentence. À l’attendu nelle donne Ăš grandissimo avvedimento il sapersi... » correspond le rapide portrait de la marquise, dĂ©crite comme savia e avveduta ». C’est lĂ  un Ă©loge qui n’a rien de creux, mais qui est fondĂ© sur l’attendu de la seconde sentence. 45Quant au roi, la mention de son folle amore » dans la rubrica anticipe sur l’attendu de la seconde sentence Ăš gran senno il cercar d’amar sempre donna di piĂș alto legnaggio che egli non Ăš ». L’amour du roi a Ă©tĂ© folle » parce qu’il a gravement manquĂ© de ce gran senno ». 46Vittore Branca observe que la seconde sentence du cappello renvoie au code de l’amour courtois tel qu’il Ă©tait notamment explicitĂ© dans le De amore d’AndrĂ© le Chapelain 50 Vittore Branca, Decameron, cit., p. 1024, note 5. Questi canoni erano diffusi nella precettistica amorosa del Medioevo basti confrontare due capitoli del De amore di Andrea Cappellano ed. cit., pp. 38 ss., ripetuti anche nel Filocolo IV 50 e in varie pagine del D. per es., Proemio, 3 n. ; II 8, 41 n. ecc.. Ancora ai primi del Cinquecento il Bibbiena affermava come in una donna Ăš grandissimo senno il guardarsi dall’amore di maggior omo che ella non Ăš, cosĂŹ Ăš gran valore nelli omini di amare donne di piĂč alto lignaggio che essi non sono » Calandria, I 1.50 47Encore faut-il se reporter au code de l’amour courtois tel qu’il est consignĂ© dans le De Amore pour apercevoir l’exacte signification de folle » et ce qu’implique ce dĂ©faut de gran senno ». 51 Dante Alighieri, Inferno, V, 103. 48Le chapitre De regulis amoris par lequel s’achĂšve le Livre II du De amore stipule, en sa rĂšgle XXVI, Amor nil posset amori denegare », rĂšgle qui a reçu de Dante sa frappe la plus cĂ©lĂšbre Amor, ch’a nullo amato amar perdona »51, autrement dit Amour ne tolĂšre pas non perdona » que celui qui est aimĂ© n’aime pas en retour. La prĂ©somption de Philippe Auguste s’enracine Ă  l’évidence dans une interprĂ©tation spĂ©cieuse et irrecevable de cette rĂšgle. L’éloge de la beautĂ© et des mĂ©rites de la marquise est tel que 52 Dec., I, 5, 7. C’est nous qui soulignons. le quali parole per sĂŹ fatta maniera nell’animo del re di Francia entrarono, che, senza mai averla veduta, di subito ferventemente la cominciĂČ a amare ; e propose di non volere, al passaggio al quale andava, in mare entrare altrove che a Genova, acciĂČ che quivi, per terra andando, onesta cagione avesse di dovere andare la marchesana a vedere, avvisandosi che, non essendovi il marchese, gli potesse venir fatto di mettere a effetto il suo 49Les termes la cominciĂČ a amare » expriment la accensio amoris, la naissance de l’amour. Or cet amour n’en est pas un, car il n’est que disio », dĂ©sir, c’est-Ă -dire appĂ©tit concupiscent dans la terminologie mĂ©diĂ©vale. Si l’on replace cette notion dans le contexte de la culture Ă  laquelle appartient Boccace, on voit que le disio » est explicitement reliĂ© au plaisir qui donne naissance Ă  l’amour Amor est passio quĂŠdam innata procedens ex visione et immoderata cogitatione formĂŠ alterius sexus, ob quam aliquis super omnia cupit alterius potiri amplexibus et omnia de utriusque voluntate in ipsius amplexu amoris prĂŠcepta compleri 53 Andrea Cappellano, De amore, a cura di Graziano Ruffini, Milano, Guando, 1980, p. 6. 50stipule le De amore53. 51C’est proprement le moto appetitivo », le mouvement par lequel on cherche Ă  atteindre, le mouvement vers l’objet Ă  atteindre, conformĂ©ment Ă  l’étymologie du substantif latin appetitus, tirĂ© du verbe ad-petere, tendre en direction de ». C’est la tendance instinctive inscrite par la nature en chaque ĂȘtre et qui constitue son principe d’action initial. 54 Dante Alighieri, Convivio, IV, XXVI, 6. 52En tant que tendance instinctive, Dante parle de l’appetito concupiscibile » dans le Convivio comme de ce qui conviene essere cavalcato da la ragione », laquelle le dirige con freno » [la tempĂ©rance] et con isproni [la fermetĂ©] »54. Ainsi conçu, le disio » n’est pas autre chose que le talento », l’inclination naturelle, le penchant naturel et instinctif qui en soi n’est ni bon ni mauvais mais doit ĂȘtre soumis cavalcato » par la droite raison. Si la droite raison ne rĂ©git pas le disio », il n’y a qu’appĂ©tit concupiscent. 55 Dante Alighieri, Inferno, V, 38-39. 53Mais en matiĂšre amoureuse, le disio » non soumis au contrĂŽle de la droite raison n’est que luxure, comme l’enseigne le chant V de l’Enfer de Dante, oĂč l’on trouve dannati i peccator carnali / che la ragion sommettono al talento »55. 56 Dante Alighieri, Vita nuova, II, 9. 57 Ibidem, XXXIX, 2. 58 Ibidem. 54Le disio » donne naissance Ă  l’amour digne de ce nom dĂšs lors qu’il est rĂ©gi par lo fedele consiglio de la ragione »56. C’est bassesse, vilenie de laisser libre cours au disio », comme le confesse Dante vers la fin de la Vita nuova lo mio cuore cominciĂČ dolorosamente a pentere de lo desiderio a cui sĂŹ vilmente s’avea lasciato possedere alquanti die contra la costanzia de la ragione »57. Un tel disio » livrĂ© Ă  lui-mĂȘme devient un malvagio desiderio »58. Un passage du TrĂ©sor de Brunetto Latini, un livre et un auteur bien connus de Dante et qui lui furent chers, prĂ©cise 59 CitĂ© par Umberto Bosco e Giovanni Reggio, in Dante Alighieri, Inferno, a cura di Umberto Bosco e G ... On doit contrester au desirier de debit ; car ki se laisse vaincre, la raison remaint sous le desirier la ragione resta sotto, Ăš sottomessa al desiderio
 Par quoi on se doit estudier que raisons soit sor la concupiscence, en tel maniere
 II 20, 659 60 Dante Alighieri, Paradiso, VIII, 2 Riferito all’amore si puĂČ quasi considerare termine “tecnic ... 55C’est encore Ă  Dante que l’on doit la formule folle amore » qui dĂ©signe, dans le Paradis60, l’amour sensuel, non rĂ©glĂ© par la droite raison, en bref la confusion entre amour et appĂ©tit concupiscent. L’interprĂ©tation du folle amore » dont il est question dans la rubrica de notre nouvelle ne peut passer par la mĂ©connaissance de la cĂ©lĂšbre expression forgĂ©e par Dante, dont Boccace est un lecteur averti et l’un des premiers commentateurs. 61 Andrea Cappellano, De amore, cit., p. 284. 56Cette confusion entre amour et appĂ©tit concupiscent viole la rĂšgle XXIX du chapitre De regulis amoris qui stipule sans ambiguĂŻtĂ© Non solet amare, quem nimia voluptatis abundantia vexat »61. Il n’aime pas, d’ordinaire, celui que tyrannise une excessive abondance de voluptĂ©, pĂ©riphrase dĂ©finissant la luxure. Cette regula amoris a Ă©tĂ© soigneusement Ă©tablie Ă  l’avance dĂšs le dĂ©but du livre I du De amore 62 Ibidem, p. 14. Nimia voluptatis abundantia impedit amorem, quia sunt quidam, qui tanta voluptas cupidine detinentur, quod amoris non possunt retineri reticulis ; qui post multas etiam de muliere cogitationes habitas vel fructus assumptos, postquam aliam vident, statim illius concupiscunt amplexus et obsequii a priore amante suscepi obliviosi et ingrati exsistunt. Illi tales, quot vident, tot cupiunt libidini immisceri. Istorum talis amor est, qualis canis impudici. Sed nos credimus asinis comparandos ; ea namque solummodo natura moventur, quae ceteris animantibus homines ostendit ĂŠquales, non vera, quĂŠ rationis differentia nos a cunctis facit animalibus 57Le roi Philippe Auguste est dans un vĂ©ritable dĂ©ni d’amour, il est simplement en proie Ă  l’appĂ©tit concupiscent. Lorsqu’il s’invite chez la marquise, ce n’est nullement pour lui offrir l’hommage d’un amour vĂ©ritable, mais c’est simplement pour une aventure. Seul un homme ignorant du code courtois pourrait avoir l’excuse d’avoir confondu en toute bonne foi amour – tel qu’il est dĂ©fini dans le De amore – et pur et simple appĂ©tit concupiscent. Mais un personnage Ă©duquĂ©, un personnage raffinĂ© tel que le roi de France ne peut s’abriter derriĂšre une telle excuse. Quant Ă  la marquise, elle ne peut s’y tromper le roi s’est invitĂ© chez elle sans aucun propos ni projet venant d’un cƓur amoureux, et le roi n’a suggĂ©rĂ© que des rapports de sexe Ă  sexe dans sa question solamente galline senza gallo alcuno ? ». 58En outre, une femme d’un rang infĂ©rieur au rang de l’homme qui la convoite se doit d’appliquer la prescription du De amore 63 Andrea Cappellano, De amore, cit., p. 103. si illud vulgi deveniret ad aures, omnes aperte meam famam reprehensione confunderent, quasi ultra modum propriĂŠ naturĂŠ metas excesserim. PrĂŠterea maioris altitudinis homo feminam ordinis inferiori fideliter non solet amare, sed, si amet, cito eius fastidit amorem et ipsam pro levi causa contemnit, quod manifesta ratione cognoscitur amoris obviare mandatis, in cuius curia generis nunquam potuit sibi locum vindicare discrimen, sed, ordinis cuiuscunque reperiantur amantes, ĂŠquali ordine consueverunt in amoris aula militiam promereri et nullius generis maioritatis prĂŠrogativa 59Dans le code de l’amour courtois, l’appĂ©tit concupiscent et la tentative du roi de France sont une vilenie, une bassesse, un manque de noblesse, selon la jurisprudence Ă©tablie par le De amore 64 Ibidem, p. 114. Nobiliores enim viri nobiliores tenentur mores habere quam alii, et magis eorum fama modica rusticitate et a beneficii abstinendo gravatur quam ignobilis viri [et pravĂŠ naturĂŠ progeniti] satis graviora 60Philippe Auguste s’est conduit comme un ignobilis », comme une prava natura », une nature dĂ©fectueuse, une nature moralement mauvaise. 65 Dec., I, 5, 16. 66 Dec., Giornata IV, Introduzione, 29. 67 Andrea Cappellano, De amore, cit., p. 212. 61Ainsi donc, c’est Ă  proprement parler un male concetto fuoco », comme le dit la narratrice dans sa conclusion65, c’est un folle amore » comme l’annonce la rubrica, c’est tout le contraire du vĂ©ritable, noble et bel amour que ce simple dĂ©sir instinctif qui a dĂ©vorĂ© Philippe Auguste quand il a entendu parler de l’extraordinaire beautĂ© de la marquise Monferrat. Un lecteur moderne pourrait ĂȘtre tentĂ© d’invoquer l’excuse de l’irrĂ©sistible toute-puissance de l’instinct sexuel, du dĂ©sir simplement naturel. Boccace, sur la question, n’est ni naĂŻf, ni hypocrite, ni prude. Il consacre, entre autres passages, une bonne partie de l’Introduzione Ă  la IVĂšme journĂ©e Ă  Ă©tablir, notamment par l’histoire de Filippo Balducci et de son fils, que piĂč aver forza la natura che il suo ingegno »66. Pour autant, Boccace n’oblitĂšre nullement l’enseignement de Dante dans le Convivio l’appĂ©tit concupiscent, comme tout mouvement naturel de l’ñme, n’est en soi ni bon ni mauvais, mais il doit ĂȘtre soumis et dirigĂ© par la droite raison ; et sur le chapitre des relations entre sexes, il n’est d’amour que si l’on a reçu et que l’on applique l’enseignement du code consignĂ© dans le De amore. Ceux qui ne respectent pas le code de l’amour tombent sous le coup d’un article de ce mĂȘme code qui stipule naturaliter sicut equus et mulus ad Veneris opera promoventur, quemadmodum impetus eis naturĂŠ demonstrat »67 [par la nature il sont poussĂ©s en avant vers les Ɠuvres de VĂ©nus comme le cheval et le mulet, ainsi que le dĂ©montre le mouvement instinctif de leur nature]. 62Pour un roi, chevalier accompli, il y a lĂ  un abaissement, une conduite honteuse, dĂ©shonorante, qui est exactement l’inverse de la conduite de la marquise celle-ci est, du dĂ©but Ă  la fin, savia e avveduta », et du dĂ©but Ă  la fin le roi disavvedutamente acceso s’era di lei ». La marquise est sage et avisĂ©e, le roi s’est sottement enflammĂ© pour elle. 63L’adverbe disavedutamente » suggĂšre aussi que la sottise de la conduite du roi est Ă©galement condamnable du point de vue politique. Conduite condamnable Ă  l’égard de la sagesse politique 68 Dec., I, 5, 16. 64Dans le texte de la nouvelle, rien n’indique que le roi se soit livrĂ© Ă  un quelconque examen de conscience sur le chapitre du code de l’amour courtois. La seule information que nous livre le rĂ©cit de Fiammetta sur l’attitude du roi est cosĂŹ come disavvedutamente acceso s’era di lei, saviamente era da spegnere per onor di lui il male concetto fuoco »68. La concision de cette indication exige toutefois une analyse. 65Dans une mĂȘme phrase ainsi construite, l’opposition entre disavvedutamente » et saviamente » est Ă©vidente et forte. Les deux adverbes appartiennent au mĂȘme champ sĂ©mantique de la sagesse, de ce qui est sage et ce qui n’est pas avisĂ©. Le roi s’est enflammĂ© sottement et malencontreusement, non point certes eu Ă©gard aux mouvements naturels de l’instinct, mais eu Ă©gard Ă  ce qui convient et ce qui ne convient pas selon le code de l’amour, mais aussi eu Ă©gard Ă  ce qui convient et ce qui ne convient pas Ă  un roi. Il s’agit Ă  prĂ©sent non de la morale individuelle mais de sagesse politique. Il apparaĂźt au roi qu’il est sage d’étouffer ce feu malencontreux et sot per onor di lui ». 69 Dec., I, 5, 16. 70 Dec., I, 5, 10. 66Le roi a certes perdu une occasion de montrer sa magnanimitĂ©. Mais il ne peut se permettre de se dĂ©shonorer. Ce serait une faute politique inconcevable. La marquise de Monferrat n’est pas simplement une grande dame Ă  la beautĂ© exceptionnelle. Elle n’est pas simplement Ă  Ă©galitĂ© de bonnes maniĂšres avec le roi Philippe Auguste est prĂ©sentĂ© comme un cosĂ­ fatto re », la marquise est prĂ©sentĂ©e comme une cosĂ­ fatta donna »69. La locution cosĂŹ fatto », Ă  valeur laudative et emphatique appliquĂ©e aux deux personnages, les met sur un pied d’égalitĂ©. Mais il y a autre chose. Le Monferrat est un Ă©tat fĂ©odal indĂ©pendant. En l’absence de son Ă©poux, la marquise exerce les prĂ©rogatives souveraines du marquis, entourĂ©e et conseillĂ©e des gentilshommes de l’État qui ne sont pas partis Ă  la croisade fattisi chiamar di que’ buoni uomini che rimasi v’erano, a ogni cosa opportuna con lor consiglio fece ordine dare »70. Ce n’est pas simplement le triple honneur d’une femme, d’une Ă©pouse, d’un Ă©poux absent qui est en jeu. Ce qui est Ă©galement en jeu, c’est un rapport diplomatique, de nature politique, entre la France en la personne de son roi et le Monferrat en la personne de celle qui le dirige. 67On se mĂ©prendrait sur la situation si l’on ne comparait pas d’une part cette nouvelle et d’autre part la nouvelle qui, au centre de la derniĂšre journĂ©e, en est le complĂ©ment pour ainsi dire inversĂ© et devient son contre-exemplum positif. 71 Dec., X, 6, 5. 72 Dec., X, 6, 7. 73 Dec., X, 6, 24. 68Il s’agit de la nouvelle du roi Carlo vecchio o ver primo »71. Le roi est Charles Ier d’Anjou, fils du roi de France Louis VIII, comte d’Anjou et du Maine et, par son mariage, comte de Provence. Au lendemain de sa victoire sur le roi Manfred battu Ă  la bataille de Benevento en 1266, Charles Ier d’Anjou s’est emparĂ© du royaume de Naples et de Sicile oĂč il rĂ©gna de 1266 jusqu’à sa mort en 1285. AprĂšs la rĂ©volte des VĂȘpres siciliennes de 1282, encouragĂ©e par Pierre III d’Aragon, Charles Ier dut abandonner la Sicile Ă  Pierre III. Dans la nouvelle, qui est Ă  nouveau racontĂ©e par Fiammetta – ce n’est ni un hasard, ni un dĂ©tail insignifiant –, le roi Charles Ier connaĂźt le mĂȘme dĂ©sir insensĂ© que Philippe Auguste. Charles Ier reçoit l’hospitalitĂ© d’un chevalier, messer Neri degli Uberti qui, bien qu’étant di parte avversa alla sua »72 c’est-Ă -dire un gibelin qui avait quittĂ© Florence alors que Charles Ier faisait figure de chef du parti adverse guelfe, le traite avec grands honneurs. Le roi est pris d’un ardent dĂ©sir pour la trĂšs grande beautĂ© des filles du chevalier, Ginevra la bella » et Isotta la bionda ». Le chevalier n’est pas assez riche pour doter ses filles comme il conviendrait et les garde chez lui. Charles Ier sĂŹ nell’amorose panie s’invescĂČ, che quasi a altro pensar non poteva »73. 74 Dec., X, 6, 1. 69En Ă©cho – ce n’est ni un hasard, ni un dĂ©tail insignifiant – Ă  la rubrica de la nouvelle de la marquise de Monferrat qui mentionne le folle amore » du roi Philippe Auguste, la rubrica de la nouvelle 6 de la derniĂšre journĂ©e mentionne le folle pensiero »74 du roi Charles Ier, expression dans laquelle pensiero » traduit le terme cogitatio » de la dĂ©finition de l’amour selon le De amore passio quĂŠdam innata procedens ex visione et immoderata cogitatione formĂŠ alterius sexus ». 75 Vittore Branca, Decameron, cit., p. 1519, note 9. 70Le roi Charles Ier s’en ouvre au comte Gui de Montfort, un des plus grands seigneurs de la cour mais aussi un personnage politique important et influent, qui fut vicaire de Charles Ier en Toscane en 127075. Le roi reçoit une leçon de sagesse politique, qui s’applique en tout point Ă  la conduite condamnable du roi Philippe Auguste. 71Le comte Gui commence par placer l’affaire dans l’ordre de la conduite du personnage royal 76 Dec., X, 6, 26. Monsignore, io ho gran maraviglia di ciĂČ che voi mi dite, e tanto ne l’ho maggiore che un altro non avrebbe, quanto mi par meglio dalla vostra fanciullezza infino a questo dĂŹ avere i vostri costumi conosciuti che alcun 77 Dec., X, 6, 28. 72Le comte Gui fait, avec tact, usage de la figure de rhĂ©torique de la prĂ©tĂ©rition en poursuivant ainsi E se a me di ciĂČ cadesse il riprendervi, io so bene ciĂČ che io ve ne direi »77. 73Gui de Montfort place aussitĂŽt l’affaire dans l’ordre de la politique et fait ainsi ses remontrances au roi 78 Dec., X, 6, 28. avendo riguardo che voi ancora siete con l’arme indosso [
] e tutto occupato di grandissime sollicitudini e d’alto affare [
] e intra tante cose abbiate fatto luogo al lusinghevole 79 Dec., X, 6, 29. 80 Ibidem. 74Le comte Gui poursuit par l’argument de la pusillanimitĂ© qui jure avec la magnanimitĂ© que l’on attend d’un grand roi Questo non Ăš atto di re magnanimo anzi d’un pusillanimo giovinetto »79. DĂšs lors qu’il s’agit de la vertu d’un roi, le dĂ©bat sur la magnanimitĂ© ou la pusillanimitĂ© passe du terrain de l’éthique individuelle Ă  celui de la politique. Ce tournant de l’argumentation ayant Ă©tĂ© pris, le comte condamne la dĂ©loyautĂ© de Charles Ier qui n’hĂ©siterait pas Ă  violer les lois de l’hospitalitĂ© d’un chevalier il quale in casa sua [
] v’ha onorato »80. Il rappelle le dĂ©sastreux exemplum des violences que le roi Manfred fit subir aux femmes cette conduite a ouvert Ă  Charles Ier la voie pour s’emparer du royaume de Naples. 75La conclusion de l’argumentation et du discours du comte Gui est une claire leçon de politique Ă  un roi 81 Dec., X, 6, 30. Qual tradimento si commise giĂ  mai piĂč degno d’eterno supplicio, che saria questo, che voi a colui che v’onora togliate il suo onore [
] che si direbbe di voi se voi il faceste ?81 82 Dec., X, 6, 31. 83 Dec., X, 6, 32. 76Gui de Montfort en appelle au tribunal de la renommĂ©e, de l’histoire, de la gloire et termine en portant le dĂ©bat sur la question de savoir ce que doit ĂȘtre la conduite d’un roi juste Ora Ăš questa della giustizia del re [
] ? »82. Sa pĂ©roraison est une vĂ©ritable sentence e per ciĂČ voi, che avete gli altri a correggere, vincete voi medesimo e questo appetito raffrenate, nĂ© vogliate con cosĂŹ fatta macchia ciĂČ che gloriosamente acquistato avete guastare »83. 77La comparaison entre l’issue de l’histoire du roi Philippe Auguste et celle du roi Charles Ier est Ă©clairante tous deux ont Ă©tĂ© en proie Ă  un appetito ». Charles Ier a pris conseil auprĂšs d’un personnage politique qui, loin de lui infliger un sermon moralisateur l’a mis en face de ses devoirs politiques. Philippe Auguste, pourtant entourĂ© d’une petite troupe de gentilshommes, n’a consultĂ© aucun conseiller la concision de notre nouvelle met parfaitement en scĂšne ce refus de parole. Pourtant, le roi Philippe Auguste ne peut se permettre de se conduire comme un simple individu. Il est roi. Comprenant qu’il s’est fourvoyĂ© et qu’il n’a rien Ă  espĂ©rer, il parvient par lui-mĂȘme Ă  la conclusion pratique que Gui de Montfort dictera au roi Charles Ier 84 Dec., I, 5, 16. accorsesi che invano con cosĂ­ fatta donna parole si gitterebbono e che forza non v’avea luogo ; per che cosĂ­ come disavedutamente acceso s’era di lei, saviamente era da spegnere per onor di lui il male concetto 78Entre le roi Philippe Auguste et le roi Charles Ier, il reste toutefois une diffĂ©rence politique importante en matiĂšre de magnanimitĂ©. À la fin de l’histoire, le roi Charles Ier fait preuve de grandeur 85 Dec., X, 6, 34. tornato il re a Napoli, sĂŹ per torre a sĂ© materia d’operar vilmente alcuna cosa e sĂŹ per premiare il cavaliere dello onore ricevuto da lui, quantunque duro gli fosse il fare altrui possessor di quello che egli sommamente per sĂ© disiderava, nondimen si dispose di voler maritare le due giovani, e non come figliuole di messer Neri ma come 79Cette grandeur fait dĂ©faut au roi Philippe Auguste qui donne Ă  son histoire une fin sous le signe du dĂ©part prĂ©cipitĂ© et honteux, sous le signe de la petitesse 86 Dec., I, 5, 17. e, finito il desinare, acciĂČ che il presto partirsi ricoprisse la sua disonesta venuta, ringraziatala dell’onor ricevuto da lei, accomandandolo ella a Dio, a Genova se n’ 80C’est ainsi que s’achĂšve sĂšchement la nouvelle. 81Il est vraisemblable que Boccace a voulu donner le beau rĂŽle au roi de Naples, pour sa fonction plus que pour sa personne on sait que Boccace a gardĂ© sa vie durant une tendresse pour la cour de Naples et l’a exprimĂ©e dans son Ɠuvre en maints endroits. Il est toutefois douteux que la signification de ce choix soit limitĂ©e Ă  l’ordre du vĂ©cu et de l’affectivitĂ© de l’auteur. Haut de page Notes 1 Tutte le opere di Giovanni Boccaccio, a cura di Vittore Branca, vol. IV, Decameron, a cura di Vittore Branca, Milano, Mondadori, “I Classici Mondadori”, 1976, I, 5, pp. 63-66. 2 Dans l’édition citĂ©e ci-dessus, nouvelle trĂšs brĂšve une page et demi I, 9 ; nouvelles brĂšves entre trois et cinq pages et demi, par ordre de longueur croissante I, 6 et I, 8 ; I, 3 et I, 5 ; I, 10 ; I, 4 ; I, 2 ; I, 7 ; seule la premiĂšre nouvelle de la journĂ©e, la nouvelle du scĂ©lĂ©rat ser Cepparello, occupe quinze pages et demi. 3 Dec., I, 5, 14. 4 Dec., I, 5, 15. 5 Vittore Branca, Decameron, cit., p. 1026, note 1. 6 Dec., I, 5, 9 et 12. 7 Dec., I, 5, 15. 8 Mario Baratto, RealtĂ  e stile nel Decameron », Roma, Editori Riuniti, 1993 2a, p. 231. 9 Vittore Branca, Decameron,cit., p. 1024, note 4. 10 Dec., I, 5, 1. 11 Dec., I, 5, 2. 12 Dec., I, 5, 3. 13 Selon les prĂ©ceptes de la rhĂ©torique mĂ©diĂ©vale, l’Ɠuvre ou le discours sermo » doit s’ouvrir par une sentence de dĂ©part, prise Ă  une “auctoritas” opus illustrant proverbia », Ă©crit Geoffroy de Vinsauf ; a proverbio sumitur initium » dit un autre prĂ©cepte, cf. Les arts poĂ©tiques des XIIe et XIIIe siĂšcles, Ă©ditĂ©s par Edmond Faral, Paris, Champion, 1923, p. 267. 14 Dec., I, 5, 4. 15 Ibidem. C’est nous qui soulignons. 16 Aristote, RhĂ©torique, livre premier, chapitres I-III. 17 Ernst Robert Curtius, La littĂ©rature europĂ©enne et le Moyen Âge latin, traduction française, Paris, 1956, p. 237 et p. 555. 18 Mario Baratto, op. cit., p. 331. 19 Cf. RenĂ© Stella, La fonction narrative de l’auberge dans le “DĂ©camĂ©ron”, in Auberges, hĂŽtels et autres lieux d’étapes, UniversitĂ© de Provence, Cahiers d’Études Romanes », n°17, vol. 1, pp. 21-90. 20 Decameron, cit., I, Introduzione, 4. 21 Christian Bec, PrĂ©cis de littĂ©rature italienne, Paris, 1995 2e Ă©d., p. 69. 22 Ibidem, p. 67. 23 Dante, De vulgari eloquentia, livre II, chapitre IV, paragraphes 5-6. 24 Sur la tripartition stylistique au Moyen Âge et dans l’Ɠuvre de Dante, cf. Pier Vincenzo Mengaldo, in Enciclopedia dantesca, diretta da Umberto Bosco, Roma, Istituto della Enciclopedia italiana, vol. V, 1976, article Stili, Dottrina degli, pp. 435-438. 25 Michel Jarrety sous la direction de, Lexique des termes littĂ©raires, Paris, Librairie GĂ©nĂ©rale Française, “Le Livre de Poche”, 2001, article argumentation, p. 40. 26 Dante Alighieri, Inferno, III, 59-60. C’est nous qui soulignons. 27 Dante Alighieri, Vita nuova, XX, 3-5. 28 Ibidem, XXVI, 5-7. 29 Dec., I, 5, 5. 30 Ibidem. 31 Dec., I, 5, 6. 32 Dec., I, 5, 7-8. 33 Dec., I, 5, 16. Cf. Vittore Branca non era possibile, non era il caso di usar violenza, di insistere fino alla violenza », Vittore Branca, Decameron,cit., p. 1026, note 3. 34 Dec., X, 6, 29-31. C’est nous qui soulignons. 35 Fiore, LXVIII, 4 ; CLXI, 9. 36 II, 7, 1107b, 22. 37 Domenico Consoli, in Enciclopedia dantesca, diretta da Umberto Bosco, Roma, Istituto della Enciclopedia italiana, vol. III, 1971, article Magna-nimo, pp. 768-769. 38 Cf. John A. Scott, Dante magnanimo. Studi sulla Commedia », Firenze, Olschki, 1977. 39 Eth. IV lect. VIII, n. 736, citĂ© par Domenico Consoli,art. cit., p. 768. 40 Dante, Convivio, IV, XXVI, 5. 41 CitĂ© par Domenico Consoli,art. cit., p. 768. 42 Dec., I, 5, 7. 43 Vittore Branca, Decameron, cit., p. 1025, note 5. 44 Dec., VIII, 10, 10. 45 Dec., II, 5, 3. 46 Dec., I, 5, 6. 47 Dec., I, 5, 9. 48 IV, III, § 2. 49 Dec., I, 5, 4. C’est nous qui soulignons. 50 Vittore Branca, Decameron, cit., p. 1024, note 5. 51 Dante Alighieri, Inferno, V, 103. 52 Dec., I, 5, 7. C’est nous qui soulignons. 53 Andrea Cappellano, De amore, a cura di Graziano Ruffini, Milano, Guando, 1980, p. 6. 54 Dante Alighieri, Convivio, IV, XXVI, 6. 55 Dante Alighieri, Inferno, V, 38-39. 56 Dante Alighieri, Vita nuova, II, 9. 57 Ibidem, XXXIX, 2. 58 Ibidem. 59 CitĂ© par Umberto Bosco e Giovanni Reggio, in Dante Alighieri, Inferno, a cura di Umberto Bosco e Giovanni Reggio, Firenze, Le Monnier, 1979, p. 74, note Ă  Inf. V, 39. 60 Dante Alighieri, Paradiso, VIII, 2 Riferito all’amore si puĂČ quasi considerare termine “tecnico” cfr. il prv. folor che troviamo nei vv. Occitanici messi in bocca ad Arnaldo Daniello, in Pg XXVI 143 per indicare l’amore che porta alla follia, quello di coloro “che la ragion sommettono al talento” If V 39, e si contrappone, nella lirica trobadorica, al fin amor ». 61 Andrea Cappellano, De amore, cit., p. 284. 62 Ibidem, p. 14. 63 Andrea Cappellano, De amore, cit., p. 103. 64 Ibidem, p. 114. 65 Dec., I, 5, 16. 66 Dec., Giornata IV, Introduzione, 29. 67 Andrea Cappellano, De amore, cit., p. 212. 68 Dec., I, 5, 16. 69 Dec., I, 5, 16. 70 Dec., I, 5, 10. 71 Dec., X, 6, 5. 72 Dec., X, 6, 7. 73 Dec., X, 6, 24. 74 Dec., X, 6, 1. 75 Vittore Branca, Decameron, cit., p. 1519, note 9. 76 Dec., X, 6, 26. 77 Dec., X, 6, 28. 78 Dec., X, 6, 28. 79 Dec., X, 6, 29. 80 Ibidem. 81 Dec., X, 6, 30. 82 Dec., X, 6, 31. 83 Dec., X, 6, 32. 84 Dec., I, 5, 16. 85 Dec., X, 6, 34. 86 Dec., I, 5, de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier RenĂ© Stella, Quand de bonnes maniĂšres couvrent une mauvaise conduite Decameron, I, 5 », Italies, 11 2007, 57-86. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique RenĂ© Stella, Quand de bonnes maniĂšres couvrent une mauvaise conduite Decameron, I, 5 », Italies [En ligne], 11 2007, mis en ligne le 09 juillet 2009, consultĂ© le 23 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur RenĂ© Stella UniversitĂ© de Provence Articles du mĂȘme auteur Haut de page

de maniere courtoise en ayant les bonnes manieres